
Le hasard a fait que j’ai retrouvé cet article dans mes archives, en attente de traduction. Alors, oui, je publie dans un ordre non chronologique. Je l’avais trouvé intéressant à l’époque et il me semble l’être toujours. Le thème de la jalousie revient de manière quasi obsessionnelle lorsqu’il s’agit de parler de polyamour. Il parait que cela se travaille, que cela se dépasse. Ce qui est certain, c’est que cela est souvent douloureux et qu’essayer de l’éviter est un leurre. Brigitte Vasallo faisait référence à cet article dans « Le polyamour, le nouveau miracle au pouvoir dégraissant », que j’ai traduit et publié au début de l’année.
https://www.cuerpomente.com/blogs/brigitte-vasallo/poliamor-como-no-tener-celos_1306
Traduction : Elisende Coladan
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Il ne s’agit pas de quoi, mais de comment. Gérer la jalousie dans une relation non monogame demande d’en prendre soin et d’avoir une authentique empathie.
Chères amies,
si je recevais un euro chaque fois que quelqu’un me dit « voyons, voyons, tu parles beaucoup de polyamour, mais à la fin, tu es jalouse comme tout le monde », je serais actuellement dans un paradis fiscal, où je pourrais cacher ma fortune immense.
Ou, comme raconte la rappeuse Bittah sur Twitter : « parler autant de polyamour, autant de polyamour, et à la fin… » c’est un véritable dard empoisonné. Cela revient au même que de parler de violence machiste et puis dire qu’entre les lesbiennes, il y a également de la violence ou critiquer une ophtalmologue parce qu’elle porte des lunettes. Beaucoup d’ophtalmologie, beaucoup d’ophtalmologie et à la fin…
Alors, je vais répondre à toutes celles qui me doivent cet euro : voyons si nous pouvons tirer au clair certaines choses. La jalousie n’est pas un choix. En fait, je crois bien qu’il n’y a pas une seule personne polyamoureuse qui n’ait pas essayé de s’en débarrasser en faisant toutes sortes de pactes, y compris avec le diable, afin de s’en libérer. Mais, malheureusement, cela ne fonctionne pas comme cela.
Je suis assaillie par elle, spécialement au tout début d’une relation — pas à la fin. Quand j’ai une relation qui a vécu, qui est toute cabossée, ma confiance en le fait que l’on s’en remettra augmente et je suis moins jalouse, je me fais moins de soucis.
Quand l’autre personne commence une relation, j’ai également plus tendance à avoir peur au début que quand du temps a passé et tout est plus stable.
Quand la troisième personne est monogame, cela m’inquiète bien plus, parce les dynamiques de renforcement sont plus fortes qu’avec quelqu’un d’habitué à la collaboration et qui, en plus, a d’autres personnes de qui prendre soin.
J’ai mis en place, ceci dit, une méthodologie qui s’apparente à une série de lapins que je sors de mon chapeau, comme une magicienne. Une série de trucs de prestidigitation qui font que je ne sois pas assaillie par la peur ou que cela le moins possible.
La méthode d’ingénierie contre la jalousie
Je viens de découvrir, avec The Jealousy Workbook de Kathy Labriola, que mon système a même un nom. Il s’agit de la méthode d’ingénierie contre la jalousie. L’inconvénient de la méthode c’est qu’il est nécessaire que tout le monde m’aide, et cela ne fonctionne pas toujours, mais je vais vous expliquer pourquoi.
La méthode consiste en le fait que, après 20 ans de relations non monogames, on commence à bien en connaître les abîmes. Les abîmes de chacune sont particuliers, et ils viennent d’un tas de choses : nos traumas d’enfant, la famille, les relations passées, le caractère, les circonstances vitales et l’expérience.
Et les abîmes changent également selon le moment : il n’y a pas de cartographie fixe. Quand on vit un bon moment, les abîmes sont plus légers. Si je suis dans une passe délicate, tout devient très compliqué.
Pour que je puisse passer au-dessus d’un abîme sans m’écraser, j’ai besoin de quelque chose très simple : un pont. Et je sais bien que parfois les ponts ne fonctionnent pas. Si ces ponts se construisent, je les emprunte parfois en vacillant, accrochée à la rambarde et un peu tremblante, mais, en général, j’arrive à passer.
Mais ce n’est pas un truc infaillible : si je suis en pleine dépression, il n’y a pas pont qui vaille. Mais, bon, il s’agit d’une autre histoire.
Quand j’explique mon abîme à la personne qui est avec moi et, par extension, à la nouvelle personne qui est avec elle, il peut se passer deux choses :
— Qu’elles comprennent quel est mon abîme et qu’il faut y faire attention.
— Ou bien qu’elles le voient à partir de leurs propres perspectives, leurs histoires, leurs passés, leurs peurs et leurs personnalités et qu’elles décident qu’il ne s’agit pas d’un abîme mais d’une flaque d’eau. Et que, par conséquent, cela ne vaut pas la peine d’établir un pont. Et, bien sûr, je tombe. Carrément. Ça remue tout mon passé familial, toutes mes histoires amoureuses, ça chamboule.
Et, à partir de là, elles me regardent. Il est fort possible qu’elles me voient en train de me noyer dans un verre d’eau, et c’est là où se pointe la fameuse phrase : beaucoup parler de polyamour et regarde ce qui se passe.
Mais ce que l’on ne comprend pas, ou que l’on n’a pas envie de comprendre, c’est que, lorsqu’il s’agit de polyamour, ce n’est pas le « quoi » qui compte, mais le « comment ».
Et, cela dit, si quelqu’un veut me filer un euro, je vous donne mon numéro de compte en message privé.