Belles-sœurs et crapauds. Amour Disney et agence féministe – Brigitte Vasallo

https://revistaidees.cat/es/germanastres-i-gripaus-amor-disney-i-agenciament-feminista/

Traduction Elisende Coladan

Article publié en catalan, espagnol et anglais dans la revue catalane IDEES

Nous savons que les féminicides sont associés à la construction du genre, à la masculinité guerrière et possessive. Mais, elle est aussi associée à notre construction dépendante de l’amour, tant au niveau émotionnel que matériel, dans notre construction de la subjectivité et elle appelle à la collectivisation des lignes de fuite. C’est ainsi que ce texte veut être un article d’autodéfense féministe et de responsabilité partagée dans cette autodéfense. 27 octobre 2019

S’il y a un aspect qui m’intéresse particulièrement dans la pensée critique de l’amour, ce sont les féminicides et la longue liste de violences dans notre vie amoureuse.  Nous savons que les féminicides sont associés à la construction du genre, à la masculinité guerrière et possessive, à l’objectivation [1] de nos vies, à la conquête de notre corps comme champ de bataille qui s’ajoute à la longue liste d’autres champs de bataille. Mais, elle est aussi associée à notre construction dépendante de l’amour, tant au niveau émotionnel que matériel, dans notre construction de la subjectivité, et elle appelle à la collectivisation des lignes de fuite. Les violences appartiennent à celui qui les cause, mais nous devons la lézarder ensemble pour pouvoir nous en échapper. C’est ainsi que ce texte veut être un article d’autodéfense féministe et de responsabilité partagée dans cette défense, en partant de l’idée que le « je » ne s’arrête pas aux limites de ma propre peau, mais s’étend pour arriver à englober toutes les femmes. Ainsi, la violence relationnelle est le pavé jeté dans la mare, afin de voir jusqu’où peuvent aller les ondulations que cela va provoquer.

Il y a une déclaration – qui est presque un aphorisme – sur laquelle il semble y avoir consensus : l’amour romantique tue. Néanmoins, nous continuons à le reproduire parce que, lorsque nous sommes amoureuses, nous sommes tout à fait certaines que notre amour ne nous tuera pas. Comme nous l’annonçons ainsi, nous le validons par là même. Ainsi nous sommes tout à fait sures que nous ne sommes pas en train de valider l’amour qui tue mais plutôt ce bel amour qui devrait nous sauver. Et c’est là que nous nous retrouvons face aux premiers pièges: premièrement, croire que nous devons mettre un terme au sentiment plutôt qu’à la formulation et, deuxièmement, croire que l’amour romantique ce n’est pas notre si bel amour. Même si la beauté est un élément intrinsèque à l’amour.

Nous pouvons commencer à trier le blé de l’ivraie en faisant un peu de recherche archéologique sur ce terme. Le romantisme est un mouvement culturel et politique qui a atteint son apogée au 19e siècle, un siècle d’une santé de fer qui nous accompagne avec toujours autant de force, depuis 200 ans maintenant. En Europe, nous venions de traverser l’époque napoléonienne (quelque chose de plus facile à dire qu’à faire) et un siècle des Lumières qui était devenu extrêmement ennuyeux et, dans un mouvement pendulaire si fréquent dans l’histoire du continent, le romantisme a parié pour l’extrême opposé (tout au moins officiellement, car il n’était pas si différent en substance). C’est ainsi que nous sommes entrés dans une phase d’exaltation sentimentale presque affectée, du je-je-je, du moi-moi-moi, faite de drames, de traumatismes et de brouillards infinis. Essayez un peu le Tannhäuser de Wagner et vous m’en donnerez des nouvelles …

De toute évidence, l’amour est au cœur de tout cela, mais il ne peut pas s’agir d’un amour serein, car ce n’est tout simplement pas assez wagnérien. C’est l’amour comme défi, comme malheur, l’amour qui peut tout conquérir et qui est, en même temps, impossible. Plus il est impossible, mieux c’est. Il y a eu, quelques siècles plus tôt, Roméo et Juliette de Shakespeare, ancrés dans l’imaginaire collectif européen comme une grande histoire d’amour, dont nous connaissons bien la durée et la fin. Dans notre littérature catalane locale, cette fois en plein milieu du romantisme, appelé ici Renaixença, nous avons le merveilleux Àngel Guimerà, dont Mar i Cel (mer et ciel) raconte l’histoire de l’amour condamné entre Blanca et Saïd, noble chrétienne et pirate musulman, dans le contexte de l’expulsion des Maures d’Espagne, qui vont connaître un amour au-delà de la mort et, qui plus est, symbolisé par la mer et le ciel qui se retrouvent éternellement à l’horizon.

Toute cette exaltation de l’amour comme quelque chose de difficile, comme un sacrifice, comme le sens ultime de tout, a pris racine. De profondes racines. Combinées à la construction sociale des femmes qui prennent soin des autres[2] ainsi qu’à la construction de la subjectivité, elle a produit un dangereux cocktail de confusion entre l’amour et la violence et entre l’amour et l’acceptation personnelle de la violence parce que l’amour peut tout supporter. En fait, pour être tout à fait exacte, l’origine de ce cocktail, reprenant le fil proposé par Gloria Steinem[3], réside dans la confusion entre l’amour et la romance, l’amour et les contes de fées, et même entre l’amour et faire la cour.

Donc, quand nous parlons d’amour romantique, nous ne parlons pas des attentions: nous ne parlons pas de dîners aux chandelles, de couchers de soleil et de nous regarder amoureusement dans les yeux. C’est quelque chose que nous devrions faire plus souvent, et nous devrions nous rendre compte que nous le faisons avec beaucoup plus de personnes et beaucoup plus de choses qu’avec uniquement notre partenaire. Nous sommes  fascinées par le féminisme, les manifestations nous émeuvent, nous avons des dîners avec nos copines qui n’ont rien à envier à ceux que nous avons avec qui nous considérons comme nos «amours», comme si nous ne considérions pas nos copines comme telles, et nous regardons des couchers de soleil seules avec nous-mêmes, trouvant parfois qu’il nous manque la présence de quelqu’un de significatif, comme si nous-mêmes n’étions pas assez significatives.

Lorsque j’ajoute la couche d’amour Disney, j’ajoute le paradigme des contes romantiques pour enfants, que les films de Disney continuent de transmettre aujourd’hui. Si nous continuons à nous raconter ces histoires, c’est parce qu’elles contiennent des informations transmissibles qui sont socialement acceptées et, en tant que telles, rendues invisibles et normalisées. Nous avons beaucoup parlé du prince, en raison, je le crains, de la difficulté que nous avons à en analyser les lignes horizontales sans être piégé dans la verticalité, dans la relation avec le pouvoir primaire qu’il représenterait. Cependant, les contes Disney contiennent des fils importants dans la complexité de notre construction de l’amour qui vont au-delà de l’analyse stricte du couple.

Examinons cela de plus près: Cendrillon, par exemple, la protagoniste des contes, est belle et gentille, deux adjectifs qui vont ensemble pour former une maxime romantique également illustrée par les mots du poète (romantique) Keats,  » la beauté, c’est la vérité ». Il y a une série de valeurs morales associées à la beauté physique ou, plutôt, nous comprenons de manière inconsciente (et systémique) que la bonté a un impact sur l’aspect externe des gens: mais notez que ce sont des aspects externes et des beautés qui sont complètement normalisées par des normes qui ont été établies par le capitalisme autour de la mode et des cosmétiques et transpercées d’un regard extrêmement patriarcal, raciste, validiste et classiste, au minima. Et hétérocentré, évidemment. Mais tout cela n’est qu’une note en bas de page, car ce n’est pas vraiment le sujet de cet article. Cette belle et gentille jeune femme est entourée d’autres femmes laides et mauvaises … les belles-mères, les belles-sœurs … les femmes qui font partie d’une famille «artificielle», une famille «mauvaise» qui n’est même pas une relation de sang. Il y en aurait également assez pour écrire un autre article, mais ne nous laissons pas distraire. Ces femmes qui l’entourent la détestent, lui rendent la vie impossible, et tout au long du récit, il est évident que notre protagoniste, Cendrillon, est meilleure qu’elles. Meilleure. Attention à la première marque de confrontation féminine. Plus jolie, plus douce, plus attentionnée, plus innocente, plus propre et encore bien plus de diktats sur le genre. Et toute l’histoire raconte comment Cendrillon obtient ce qu’elle mérite. Elle le mérite parce qu’elle le mérite, désolée pour la tautologie mais je m’énerve ici. Et quand cette supériorité sur les autres femmes sera-t-elle révélée? Tadam !! Roulements de tambour, s’il vous plaît, maestro… Quand quelqu’un avec tous les avantages de genre et de classe, quelqu’un de plus puissant, un seigneur et un maître, pour le dire franchement, la choisit. Je mentionne le privilège de classe parce que ce n’est pas le garçon d’à côté et, évidemment, pas la garçonne d’à côté. Genre et privilège de classe. Alors, il la choisit et elle accepte ce choix, car la possibilité qu’elle ne le fasse pas n’est même jamais évoquée. L’acceptation est un fait, par défaut. Imaginez que le prince arrive et que Cendrillon lui dise, « mec, désolée, mais tu ne me plais pas » … Cela est inimaginable, j’en ai bien peur, car nous les femmes, nous Cendrillon, nous ne laissons jamais passer l’amour®. C’est exactement ça. Cendrillon gagne et les autres femmes perdent. Et voilà !

C’est exactement comme ça que l’amour romantique tue. Il tue parce qu’il nous confronte, parce qu’il nous isole, il tue parce qu’il fait passer l’amour®, c’est-à-dire notre partenaire, avant tout. Et quand la violence survient, vous m’expliquerez comment c’est possible de déconstruire cela, comment intégrer que ce qui aurait dû être le meilleur qui pouvait nous arriver, ce qui nous donne de la valeur et de l’estime de soi, se révèle être un tas de fumier. Comment en sortir? Parce que nous sommes toutes embarquées dans cette galère.

Il y a beaucoup de fausses idées sur l’amour Disney qui le protègent, même parmi les féministes. L’une d’elle est que l’amour Disney ce n’est pas le véritable amour, mais autre chose. Évidemment, ce que chacune de nous ressent quand nous tombons amoureuses c’est : L’Amour! Ainsi, nous arrivons à la conclusion que l’amour Disney c’est ce que les autres ressentent: nous le signalons (chez les autres) et nous continuons, satisfaites de nous-mêmes. Déconstruisons cela un peu, d’accord? Lorsque nous parlons de «Disney» ou de l’amour romantique, nous faisons référence à la construction, pas au sentiment. Nous ressentons ce que nous ressentons et nous ressentons ce que nous pouvons ressentir. C’est ainsi que nous construisons l’amour, et ce qui est dangereux, c’est comment nous le construisons. De plus, ce que nous ressentons est également une construction. Permettez-moi de vous donner un exemple très utilisé mais toujours très utile. Si nous imaginons faire une promenade nocturne dans un cimetière seule, nous avons peur, et si nous le faisions, nous aurions probablement peur de mourir. Cependant, il n’y a jamais eu de cas enregistré (dans toute l’histoire!) de morts se levant de leur tombe pour tuer quelqu’un, ni de violeurs violant quelqu’un après leur mort, ou quoi que ce soit de ce genre. Et nous pouvons être sures que les vilains méchants ne traînent pas dans les cimetières la nuit, car il n’y a rien à faire là-bas. C’est probablement l’un des endroits les plus sûrs au monde. La peur que nous ressentons est donc une peur socialement construite.

Bien sûr que nous ressentons l’amour, mais c’est aussi quelque chose que nous construisons. Il y a toute une série de rituels impliqués dans le fait d’être amoureuse parce qu’être amoureuses est un diktat de genre, parce qu’être une femme c’est être amoureuse, même si cela est dissonant. Je connais la théorie par cœur, mais je regarde également les réalités sur le terrain et les rares périodes de notre vie que nous passons en dehors des relations avec les partenaires, et comment nous considérons ces périodes comme des espaces en creux entre les relations. Pour tomber amoureuse et faire en sorte que les autres le fassent, nous créons des mythes, nous créons des récits de prédestination, nous resignifions les souvenirs de nos vies pour que nous nous retrouvions là, dans cet amour, dans cette relation. Et faire tout cela ne signifie pas que ce que nous ressentons n’est pas réel. Cela ne signifie même pas que c’est «mauvais». Mais, de la même façon que nous avons compris la construction du genre, il n’en est pas moins réel, il serait nécessaire de comprendre le fait d’être amoureuse de la même manière, et d’en comprendre la performativité.

Une autre chose que nous assumons sur le fait d’être amoureuse et qui (pour moi) contredit frontalement la pensée féministe est le manque d’action lorsque l’on tombe amoureuse. L’idée que c’est inévitable, que lorsque l’amour arrive, il n’y a rien à faire, est une notion extrêmement dangereuse. Notre désir, qui nous appartient, devient un désir de réciprocité, un désir d’être désirée, dans un exercice d’auto-objectivation qui n’a rien à voir avec le corps, mais avec les regards que nous recevons, avec le besoin de recevoir un regard de désir réciproque. D’une certaine manière, nous abandonnons notre désir sans même avoir à décider de le faire: il naît abandonné. Le désir est complété par la réciprocité… et c’est ainsi que nous le perdons. Désirer et vouloir être désirée sont deux choses différentes qui doivent être distinguées l’une de l’autre. La prédestination est également liée à cette histoire de l’inévitabilité: l’autre et moi sommes destinés à être ensemble, et que pouvons-nous faire contre le destin? Cette logique s’inscrit étrangement dans un mouvement déconstructeur comme est le féminisme, qui a tant lutté pour libérer nos vies des griffes de la prédestination.

Et pour clore le tout, le véritable amour, l’amour-amour, est unique. Aucune Cendrillon n’a trois maris et deux petites-amies. L’histoire se termine lorsque vous trouvez l’amour avec un grand «A». C’est ainsi. Comment concilier cette idée si profondément enracinée dans nos êtres avec la réalité de nos longues vies amoureuses et en constante évolution? Facile: en refusant tout sauf notre amour actuel. D’innombrables chansons chantent cela, de la spécificité très spécifique ressentie par toi et moi, comme si personne d’autre n’avait jamais ressenti quelque chose de semblable auparavant. Ciel, quelle intensité ! Mais soyons sérieuses une minute: sans le dire publiquement, essayons de nous répondre à nous-même, en silence. Laissons de côté nos amours actuelles, celles d’entre nous qui en ont un, parce que nous savons que nous ne pouvons pas être objectives à ce sujet, mais, en jetant un œil sur nos amours précédentes, vous ne trouvez pas qu’à chaque fois cela avait l’allure de l’Amour et que ce n’est qu’avec la rupture que nous y pensons comme pas réellement vrai, même un peu temporaire, en tout cas, pas éternel ?

Compte tenu de tout ce bazar, il n’est pas surprenant que nous soyons plutôt sans défense face au fait de tomber amoureuse. Mais il nous reste encore à aborder la question clé, ce qui pour moi est au cœur du problème: la confrontation horizontale, et quand je dis horizontale, je pense à Cendrillon et à ses belles-sœurs et à nous quand nous sommes amoureuses et à nos copines , tout comme je pense à nous quand nous sommes amoureuses et aux ex de notre partenaire. J’ai écrit ailleurs que l’ex de notre partenaire détenait des informations vitales … – et si seulement j’avais appris cela plus tôt-, mais le système ne nous permet pas de les voir. Le système de confrontation, qui nous dit que toutes les autres femmes nous envient et désirent notre prince ou notre princesse, nous enseignant ainsi que nous sommes des concurrentes naturelles et que capter l’attention de cette personne particulière montrera que nous sommes meilleures que toutes les autres. Peut-être que nous ne traversons pas la vie en pensant que nous sommes meilleures (peut-être, dis-je), mais nous avons toutes vécu ce sentiment que nous n’étions pas « l’élue » et nous pensions que nous étions la pire de toutes. Tout cela fait partie de la même logique.

Une roue est une roue et, à ce titre, infinie. Si nous mettions un terme à la confrontation, si nous laissions au moins un espace pour le faire, une grande partie de tout cela changerait. Mais l’arrêter nous ferait changer la façon dont nous nous situons dans les amours, car l’estime de soi dans laquelle nous investissons a beaucoup à voir avec le fait d’être meilleure / pire que les autres. Parce que nous vivons dans un monde hiérarchique dans lequel seule celle qui est la meilleure est valable, dans un monde qui exige constamment de nous démarquer, de nous individualiser. Si nous devions arrêter cela, alors rompre avec quelqu’un ne serait pas une catastrophe aussi terrible, ce ne serait pas honteux, mais ce serait juste une autre étape – naturelle – sur les multiples routes de la vie. Si nous arrêtions cela, nous ne parlerions pas d’être seules quand nous n’avons pas de partenaire, car, en fait, nous ne le serions pas. Parce que nos copines ne donneraient pas non plus la priorité à leurs partenaires par rapport aux autres dont elles s’occupent, parce que nous pourrions créer un réseau, devenir un essaim. Si nous arrêtions cela, nous irions discuter avec les ex de notre partenaire pour voir comment les choses se passaient dans leur relation, et nous recevrions des réponses honnêtes parce que ni leur fierté ni leur estime de soi ne seraient endommagées en nous répondant. Si nous arrêtions cela, je suis convaincue que nous pouvons ouvrir des brèches, toutes ensemble, pour nous aider à échapper à la violence quand la violence arrive. Nous avons perdu trop de sœurs en cours de route, pour penser que cela n’a pas d’importance, que c’est une note en bas de page dans l’histoire.

Nous n’arrivons pas à arrêter cette confrontation horizontale en ce qui concerne nos amours mais, de plus, nous adulons ces relations complexes. Chaque fois que nous nous montrons avec notre partenaire, nous envoyons un message clair à toutes les autres: c’est le bonheur, c’est ce à quoi ressemble une femme qui réussit, sans cela nous ne sommes rien, pas même nous, les féministes, les sœurs autonomes, tout ce que nous disons être. Nous pouvons rompre avec tous les commandements de genre mais pas celui-ci: nous ne pouvons pas, nous ne savons pas comment, nous n’osons pas. Le système est tout puissant.

La construction du genre est basée sur tout cela, sur le fait que nous tombons amoureuses. Ce n’est rien de nouveau ce que je dis ici, mais peut-être que ce n’est que maintenant que nous en voyons les ultimes conséquences.

Pour conclure, et ne rien laisser dans l’encrier, je voudrais signaler également la question de la monogamie. Dans d’autres travaux, j’ai essayé de montrer que la monogamie est un système de distribution de liens et ne concerne pas la quantité, le fait d’avoir un certain nombre de partenaires différents, mais le poids de cette construction par rapport à d’autres liens. Dans ce que nous appelons la polyamour, qui est, pour moi, une forme de monogamie dans la mesure où cela continue à souligner l’importance du partenaire, il est souvent question de compersion, un néologisme qui veut dire : « se réjouir du bonheur d’autrui ». Je ne peux m’empêcher de noter l’étroitesse d’esprit d’une société à laquelle il manque un mot pour définir cela. Dans ce sous-monde polyamoureux, il y a même le syndrome de la bonne polyamoureuse, sorte de mise à jour formelle du mythe de la bonne épouse. Mettre un terme à la confrontation horizontale va de pair avec la compréhension de ses propres limites et savoir comment les protéger, si nous voulons mettre fin à la violence. Comme tous ces problèmes systémiques contre lesquels nous nous battons, cela ne peut pas être modifié individuellement ou immédiatement. La confrontation est stoppée pas à pas, cherchant des alliances, arrêtant les coups et ne tendant pas l’autre joue, se protégeant sans attaquer, ce sont deux choses très différentes. Se donner du pouvoir dans nos propres vies, sur l’intimité dans nos vies aussi, sur l’intimité de nos désirs et de nos amours, oublier tout le ciel et la mer et retourner sur la terre ferme pour transformer l’amour, enfin, en amour, sans capitales, une émotion qui nous fait du bien et qui ne nous rend pas collectivement dépendantes ou souffrantes, violentées ou violées. A nous toutes, d’ouvrir des brèches pour nous échapper et ouvrir des espaces pour nous accueillir quand nous avons besoin de nous échapper. Tant au niveau matériel et qu’émotionnel.

Je n’ai jamais cru que l’enfer dans lequel nous vivons pourrait s’éliminer d’un coup de baguette magique: je suis de l’école intersectionnelle et je crois que l’analyse nous donne des outils pour nous aider à comprendre la réalité, mais ce n’est pas la réalité elle-même. Néanmoins, je suis convaincue, je crois vraiment profondément (quoi que cela puisse signifier) ​​que si nous faisons plus d’efforts pour arrêter les affrontements entre nous, rien ne sera plus jamais comme avant. Ce sera mieux, plus vivable, moins violent.


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l%27objectivation [NdT]

[2] Voir, par exemple, Une voix différente : Pour une éthique du care de Carol Gilligan. Ed. Flammarion [NdT]

[3] Féministe intersectionnelle américaine, journaliste et défenseuse des droits des femmes [NdT]

Les mythes du polyamour romantique – Mosca Cojonera

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Golfxs con principios [1]

Le polyamour produit et reproduit des mythes, tout comme les relations monogames. De nombreuses « règles et/ou recettes » circulent, du style « établir des contrats est nécessaire », « être éthique est essentiel », « il faut s’entendre bien entre métamours », « la NRE existe réellement » … Souvent, des personnes viennent me voir dans l’attente de solutions toutes faites, ce à quoi je leur réponds « n’ayez pas peur d’inventer et de vous réinventer », « de vous remettre en question », tout en soulignant le grand nombre de schémas dont nous sommes emplis sans en avoir forcément conscience. Que les non-monogamies ce n’est pas juste une question du nombre de personnes qui entrent en relation. Nous vivons dans un système patriarcal, avec des mécanismes et des croyances qui nous traversent tous et toutes et ne disparaissent pas par magie parce que l’on découvre les non-monogamies et/ou on en prend conscience [2]  [NDT]

http://www.golfxsconprincipios.com/lamoscacojonera/los-mitos-del-poliamor-romantico-2/

Traduction : Elisende Coladan 

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Les mythes, ce n’est pas comme quand on se rend compte que le Père Noël n’existe pas. Les mythes ne se volatilisent pas quand on nous les explique. Les mythes ne disparaissent pas juste parce qu’on en parle et que nous en identifions l’empreinte délictuelle. Les mythes sont une manière qui permet de comprendre la réalité qui « échappe aux radars ». On n’en a pas conscience. Un mythe, par exemple, serait de penser que tout “finit à point » au lieu de croire que tout nous arrive en boucle infinie (le mythe du paradis perdu face à celui de l’éternel retour). L’être humain serait poursuivi de manière injuste. Ce serait le mythe de l’héros.ïne solitaire, de l’artiste tourmenté.e. Des histoires que l’on aime à croire, mais … qui ne sont pas la réalité. Cependant, même si la réalité est autre, nous avons tendance à croire à ces histoires encore et encore.

Il en va de même pour les mythes de l’amour romantique. Bien qu’on nous ait répété cent mille fois qu’ils sont « faux, absurdes, trompeurs, irrationnels et impossibles », ils se perpétuent, par nature, c’est ainsi.

Le problème de les associer à l’amour romantique, c’est de croire que si on est en relation d’une autre manière ( que ce soit le polyamour, ou toute autre type de relation non exclusive), par magie, les mythes sont derrières nous. Et non, cela ne fonctionne pas ainsi. Les mythes ne vont pas disparaître parce qu’on est plus de deux, parce qu’on est dans un réseau relationnel. Le mythe n’est pas une idée qui peut changer de la nuit au lendemain. Il ne s’agit pas de juste y réfléchir et d’arrêter d’y croire. On n’est pas pour autant stupide parce qu’on continue à croire à certaines de ces idées. Toute la culture qui nous entoure se base sur un grand nombre de ces croyances, qui sont répétées maintes fois dans les films, les romans, dans les conseils que nos ami.e.s nous donnent, dans ce que dit notre mère[3]. Ces émotions sont acquises depuis toujours et réapparaissent sous des formes diverses. Et une démarche rationnelle n’apporte rien (contrairement à ce que certains groupes polyamoureux ou certaines propositions politiques ont pu croire)..

C’est ainsi que, lorsque l’on change de type de relation, on continue à réagir de manière similaire encore pendant longtemps, vraiment longtemps. Parce que l’on continue à avoir des attentes et c’est logique d’en avoir. C’est impossible de vivre autrement, sans imaginer quoi que ce soit sur le lendemain. C’est logique et humain de chercher à savoir si ce que l’on a prévu pour les week-end va vraiment avoir lieu. C’est logique et humain de vouloir savoir si demain on va être dans la même maison, si on va répondre à nos messages, si on ne va pas découvrir soudainement qu’il y a plus de 15 personnes dans notre relation. C’est logique d’avoir besoin de savoir sur qui on peut compter si un jour tombe le diagnostic d’une maladie chronique, le jour où on souhaite avoir un enfant, le jour où il s’agit d’acheter une maison. Il faut s’attendre nos relations humaines soient les mêmes que celles de tout le monde, que celles qui forment  la culture dans laquelle on a grandi et dans laquelle on continue à vivre.

Ainsi est-ce très courant que les mythes soient toujours présents quand on établit un autre type de relation, quand il semble que l’on a « abandonné la monogamie ». Les mêmes « fantasmes » peuvent apparaître que ceux qui étaient présent dans une relation exclusive et monogame. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas suffisamment « évolué » ou parce que l’on n’a pas fait suffisamment d’efforts. Tout ne dépend pas de nous-mêmes. C’est bien plus complexe, c’est un mélange entre notre culture, nos idées, nos émotions et nos intuitions dans les infinies variantes possibles des relations avec d’autres personnes, à différentes époques de nos vies. Il est ainsi tout à fait imaginable que ces mythes puissent se reproduire, tels quels, dans d’autres types de relations …

… Une erreur fréquente c’est imaginer que nos idées sur les relations (romantiques et/ou affectives et/ou sexuelles et/ou d’un autre genre) sont comme un meuble d’Ikea. Quelque chose de jetable et on en achète un autre. Qu’il est possible d’assister à un atelier ou a une conférence et « arrêter d’y croire ». Ces mythes sont traversés par de multiples croyances sur ce qui est masculin, ce qui est féminin, c’est qu’est l’attirance, les désirs, l’amitié, les projets, l’engagement, les droits et obligations, le sexe, le désir, le plaisir … C’est un ensemble d’idées. Un système. Mais pas un système acheté en kit chez Ikea, qu’il est possible de démonter et remonter. Comme l’explique Brigitte Vasallo dans son livre[4], ne démontons pas nos relations pour tomber dans l’individualisme, dans un « moi, ça ne m’atteint pas », « ce n’est pas mon problème » … Nous pouvons commettre l’erreur de « démonter le système », en croyant que c’est comme un oignon, couche après couche … et découvrir, trop tard, que le centre de l’oignon est vide. Que nous avons tout détruit en pensant qu’en son centre résidait la « vérité » du système. Un système qui est une somme d’idées et de concepts. L’idée c’est de voir ce que nous gardons et ce que nous laissons derrière nous, sans qu’il y ait de formules magiques. Là où on arrivera sera ce qui sera possible à ce moment-là. Cela dépendra, avant tout, de nos propres circonstances vitales, de nos expériences antérieures, de nos propres désirs, de ce que nous voulons (et non pas de ce qu’on nous dit de faire ou ne pas faire). C’est une tâche qui prend du temps, qui se fait progressivement, en l’adaptant à tout instant, à ce que l’on est capable d’assumer à ce moment-là. C’est pour cela que c’est une bonne chose que l’on écrive autant sur le thème[5], que des livres s’écrivent et soient traduits[6]. Pour continuer à réfléchir sur le sujet sans trouver La Solution Définitive car, évidemment, elle n’existe pas.

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[1] http://www.golfxsconprincipios.com/golfxsconprincipios/

[2] De fait, il y a bien des formes de non-monogamies oppressives [NdT]

[3] Et certains thérapeutes ou coachs …

[4] « Pensamiento monógamo, terror poliamoroso », ed. La Oveja Roja, Madrid, 2018, dont je vais traduire dès que possible des extraits [NdT]

[5] En Espagne ! [NdT]

[6] Pour le moment, je ne peux que traduire des articles, mais effectivement, il faudrait traduire des livres et aller bien au-delà de « La salope éthique » [NdT]

Polyamour et réseaux affectifs : réforme ou révolution ? – Brigitte Vasallo

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illustration : Carlos Mol

Je suis en pleine lecture du dernier livre de Brigitte Vasallo, Pensamiento monogamo / Terror poliamoroso [1]. J’y retrouve toutes les idées qu’elle a développées au cours de ces dernières années, lors de conférences, d’ateliers ou dans des articles. Je crois qu’il y a très peu de pages où je n’ai pas souligné une phrase, tellement pratiquement tout me parle. J’y reviendrai très certainement dans un article sur ce blog.

Dans le chapitre « Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître » [2], elle cite cet article que je traduis aujourd’hui et qu’elle avait publié originellement dans la revue féministe Pikara Magazine. Elle y présente l’idée, centrale dans son livre, que la monogamie est un système auquel nous participons toutes et que le polyamour ou l’anarchie relationnelle ne font que le reproduire, tout en s’y opposant. Elle propose d’imaginer et de construire des réseaux affectifs plutôt que de continuer, autrement, le système monogame. 

Polyamor y redes afectivas: ¿reforma o revolución?

Traduction : Elisende Coladan

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« Polyamour » est un mot parapluie qui recouvre bien des manières différentes de vivre des relations non monogames consensuelles et non possessives. Manières qui sont en construction, en cours de conceptualisation et en processus de mise en commun, avec toutes sortes de nuances. Parce que tout ça n’est qu’à ses débuts et relativement nouveau, nous n’envisageons pas le polyamour, les réseaux affectifs, l’anarchie relationnelle comme un système qui remplace la monogamie, mais comme une série de pensées et de vécus qui ouvrent un espace pour des constructions personnelles et dissidentes. Nous ne cherchons pas des modèles, mais nous partageons des références et des propositions. Nos désaccords entre nos formes de penser et de vivre nous alimentent et nous aident à créer des relations DIY (« Do It Yourself ») à partir d’outils comme la communication, l’empathie et le défi d’être à l’encontre des formes établies par une morale et des coutumes que nous ne sentons pas nôtres.

Cependant, au fur et à mesure que nous grandissons en tant que collectif, nous donnant et prenant du sens, apparaît une question de fond qui touche directement la portée de la déconstruction que nos structures affectives proposent : jusqu’où va notre pensée critique amoureuse ? Jusqu’où va le pouvoir transformateur de ce que nous proposons, ce que nous insistons à appeler « politique » ?

Malheureusement, le polyamour s’inscrit sur un terrain, à la fois littéral et métaphorique. Un terrain marqué par des centres et des périphéries, par des privilèges et des subalternités.

Le contexte dans lequel nous essayons de penser et de vivre, bien à regret, c’est l’hétéropatriarcat capitaliste. Ces mots essaient de définir un monde de relations inégalitaires, où on nous indique, d’emblée, un grand nombre d’impossibilités. Comme, par exemple, une classe sociale qui ne change pas proportionnellement à l’effort investi, une nationalité qui détermine notre mobilité et notre espérance de vie, un entourage culturel qui nous imbibera de structures invisibles et un genre qui sera décisif, et décidera, malgré ce que tu peux croire, de tes goûts et de tes couleurs.

Que nous sommes un amalgame de privilèges et d’oppressions est quelque chose de tellement évident que cela fait presque honte de l’écrire. Mais, aussi évident soit-il, il faut le répéter jusqu’à en avoir la nausée, même si ne pas passer sous silence cette évidence implique, pour toujours, la fin de notre vie sociale. Nous sommes tous et toutes un mélange d’oppressions et de privilèges, et nous avons une sensibilité à fleur de peau, en ce qui concerne notre petit récif d’oppressions, mais nous sommes bien plus désinvoltes en ce qui concerne les oppressions des autres, avec l’excuse que, si cela ne nous concerne pas directement, c’est comme si ça n’existait pas. C’est ainsi que, dans la mouvance polyamoureuse, il est clair que la monogamie, c’est le diable, mais imaginer la monogamie comme un champignon venimeux isolé, c’est tricher. C’est vouloir ouvrir une brèche dans le petit bout de monogamie qui nous opprime, en laissant intactes les parties qui oppriment les autres, dans lesquelles nous avons, très probablement, notre part de privilège.

L’exemple classique est celui de l’homme blanc, cis, hétéro, de classe moyenne qui, précisément, parce qu’il a été touché par on ne sait quelle loterie du privilège, a de très sérieux problèmes pour pouvoir comprendre la relation existante entre système monogame et violence de genre, convaincu qu’il est que le machisme, ce n’est pas si grave que ça, et qu’il n’est pas nécessaire de l’éliminer afin de construire des relations amoureuses plus saines. Mais ce n’est pas le seul exemple, mes compagnes : les blanches, hétéros, cis de classe moyennes, nous sommes peu enclines à recevoir des critiques lorsque nous marchons sur des zones sensibles (et nous y allons, nous aussi, de notre « mais ça n’est pas si grave que ça »), ou nous nous consacrons à faire des conférences ou à écrire des articles (comme cette « dénommée » Vasallo), comme si des femmes n’avaient pas besoin de la monogamie pour pouvoir élever leurs enfants, pour ne donner que cet exemple fort évident.

Si nous voulons être politiques, nous avons à remonter nos manches et aller au charbon, jusqu’à trouver les multiples racines du système. Nous devons oser bouger des aspects qui nous touchent directement, reconnaître nos erreurs, écouter des points de vue et des besoins que nous n’avions même pas imaginés. Ne pas nous sentir offensées quand le problème nous est montré du doigt : comme disait Italo Calvino, l’enfer c’est nous et les autres. Ce n’est pas que les autres.

Dans le cas contraire, le polyamour ne sera qu’un effet de mode qui affirme que la monogamie n’est pas un système, mais une possibilité comme une autre, qu’il n’est pas possible de rationaliser l’amour sans lui en enlever toute la magie et que le Père Noël existe vraiment. Ce sera ainsi une réforme de la monogamie comme une rénovation de salle de bain, où on installe juste un nouveau carrelage. Et ce sera, surtout, une occasion de perdue de faire une révolution des affects qui pourra constituer un changement significatif, réel, profond et durable, en ce qui concerne notre manière d’aimer, de baiser et de vivre les relations.

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[1] La oveja negra éditeur, novembre 2018

[2] Phrase prononcée par Audre Lorde, lors d’une conférence organisée à New York en 1979 autour du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir.

Je suis polyamoureuse et jalouse – Brigitte Vasallo

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La vague – Camille Claudel

Le hasard a fait que j’ai retrouvé cet article dans mes archives, en attente de traduction. Alors, oui, je publie dans un ordre non chronologique. Je l’avais trouvé intéressant à l’époque et il me semble l’être toujours. Le thème de la jalousie revient de manière quasi obsessionnelle lorsqu’il s’agit de parler de polyamour. Il parait que cela se travaille, que cela se dépasse. Ce qui est certain, c’est que cela est souvent douloureux et qu’essayer de l’éviter est un leurre. Brigitte Vasallo faisait référence à cet article dans « Le polyamour, le nouveau miracle au pouvoir dégraissant », que j’ai traduit et publié au début de l’année.

https://www.cuerpomente.com/blogs/brigitte-vasallo/poliamor-como-no-tener-celos_1306

Traduction : Elisende Coladan

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Il ne s’agit pas de quoi, mais de comment. Gérer la jalousie dans une relation non monogame demande d’en prendre soin et d’avoir une authentique empathie.

Chères amies,

si je recevais un euro chaque fois que quelqu’un me dit « voyons, voyons, tu parles beaucoup de polyamour, mais à la fin, tu es jalouse comme tout le monde », je serais actuellement dans un paradis fiscal, où je pourrais cacher ma fortune immense.

Ou, comme raconte la rappeuse Bittah sur Twitter : « parler autant de polyamour, autant de polyamour, et à la fin… » c’est un véritable dard empoisonné. Cela revient au même que de parler de violence machiste et puis dire qu’entre les lesbiennes, il y a également de la violence ou critiquer une ophtalmologue parce qu’elle porte des lunettes. Beaucoup d’ophtalmologie, beaucoup d’ophtalmologie et à la fin…

Alors, je vais répondre à toutes celles qui me doivent cet euro : voyons si nous pouvons tirer au clair certaines choses. La jalousie n’est pas un choix. En fait, je crois bien qu’il n’y a pas une seule personne polyamoureuse qui n’ait pas essayé de s’en débarrasser en faisant toutes sortes de pactes, y compris avec le diable, afin de s’en libérer. Mais, malheureusement, cela ne fonctionne pas comme cela.

Je suis assaillie par elle, spécialement au tout début d’une relation — pas à la fin. Quand j’ai une relation qui a vécu, qui est toute cabossée, ma confiance en le fait que l’on s’en remettra augmente et je suis moins jalouse, je me fais moins de soucis.

Quand l’autre personne commence une relation, j’ai également plus tendance à avoir peur au début que quand du temps a passé et tout est plus stable.

Quand la troisième personne est monogame, cela m’inquiète bien plus, parce les dynamiques de renforcement sont plus fortes qu’avec quelqu’un d’habitué à la collaboration et qui, en plus, a d’autres personnes de qui prendre soin.

J’ai mis en place, ceci dit, une méthodologie qui s’apparente à une série de lapins que je sors de mon chapeau, comme une magicienne. Une série de trucs de prestidigitation qui font que je ne sois pas assaillie par la peur ou que cela le moins possible.

La méthode d’ingénierie contre la jalousie

Je viens de découvrir, avec The Jealousy Workbook de Kathy Labriola, que mon système a même un nom. Il s’agit de la méthode d’ingénierie contre la jalousie. L’inconvénient de la méthode c’est qu’il est nécessaire que tout le monde m’aide, et cela ne fonctionne pas toujours, mais je vais vous expliquer pourquoi.

La méthode consiste en le fait que, après 20 ans de relations non monogames, on commence à bien en connaître les abîmes. Les abîmes de chacune sont particuliers, et ils viennent d’un tas de choses : nos traumas d’enfant, la famille, les relations passées, le caractère, les circonstances vitales et l’expérience.

Et les abîmes changent également selon le moment : il n’y a pas de cartographie fixe. Quand on vit un bon moment, les abîmes sont plus légers. Si je suis dans une passe délicate, tout devient très compliqué.

Pour que je puisse passer au-dessus d’un abîme sans m’écraser, j’ai besoin de quelque chose très simple : un pont. Et je sais bien que parfois les ponts ne fonctionnent pas. Si ces ponts se construisent, je les emprunte parfois en vacillant, accrochée à la rambarde et un peu tremblante, mais, en général, j’arrive à passer.

Mais ce n’est pas un truc infaillible : si je suis en pleine dépression, il n’y a pas pont qui vaille. Mais, bon, il s’agit d’une autre histoire.

Quand j’explique mon abîme à la personne qui est avec moi et, par extension, à la nouvelle personne qui est avec elle, il peut se passer deux choses :

— Qu’elles comprennent quel est mon abîme et qu’il faut y faire attention.
— Ou bien qu’elles le voient à partir de leurs propres perspectives, leurs histoires, leurs passés, leurs peurs et leurs personnalités et qu’elles décident qu’il ne s’agit pas d’un abîme mais d’une flaque d’eau. Et que, par conséquent, cela ne vaut pas la peine d’établir un pont. Et, bien sûr, je tombe. Carrément. Ça remue tout mon passé familial, toutes mes histoires amoureuses, ça chamboule.

Et, à partir de là, elles me regardent. Il est fort possible qu’elles me voient en train de me noyer dans un verre d’eau, et c’est là où se pointe la fameuse phrase : beaucoup parler de polyamour et regarde ce qui se passe.

Mais ce que l’on ne comprend pas, ou que l’on n’a pas envie de comprendre, c’est que, lorsqu’il s’agit de polyamour, ce n’est pas le « quoi » qui compte, mais le « comment ».

Et, cela dit, si quelqu’un veut me filer un euro, je vous donne mon numéro de compte en message privé.

Polyamour néolibéral : ressers-moi une assiette de gambas. Brigitte Vasallo

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Cette semaine, Brigitte Vasallo revient sur le polyamour qui n’est ni un produit miracle ni un produit de consommation.

Encore une fois, j’ai traduit quasiment tout de suite cet article, car c’est le genre de propos que l’on n’entend pas en France et qu’il faut vraiment diffuser largement. Le polyamour n’est pas la porte ouverte à tous les possibles, dans l’immédiateté. Ce sont des relations qui demandent à se construire dans la réflexion, dans le prendre soin, sinon les dégâts collatéraux sont énormes. 

https://www.cuerpomente.com/blogs/brigitte-vasallo/poliamor-neoliberal_1494

Traduction : Elisende Coladan

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Le polyamour est associé à la consommation et l’immédiateté, mais les relations polyamoureuses se construisent lentement. Sinon, nous parlons de monogamie.

Chères amies,

J’étais en train de réfléchir sur ce que j’allais vous raconter cette semaine lorsque j’ai reçu une notification m’indiquant que Olza m’a citée dans son blog [1] cette semaine et qu’elle se demande si en ces temps polyamoureux, le fait de construire une relation lentement a encore du sens.

Ay, mon amie Olza, viens ici, je vais te raconter : à mon avis, et je te le dis après 20 ans de relations polyamoureuses, le polyamour ne peut que se construire lentement, c’est l’unique manière pour que ce soit vraiment du polyamour et qu’il soit réellement soutenable et durable.

Ce dont tu parles, c’est autre chose, ce sont des monogamies consécutives, qui en tant que telles, s’entrecroisent pendant un temps, jusqu’à ce que l’une d’elles ne tienne plus le coup, soit parce qu’elle a décidé avec qui elle veut rester soit parce qu’elle ne supporte plus le triangle amoureux. Sans aucun doute, il y a des personnes qui appellent cela du polyamour, mais je pense qu’il faut y ajouter, en ce moment de l’histoire, un nom : c’est du polyamour néolibéral. Mais tout n’est pas néolibéral dans le polyamour.

Amours en buffet à volonté, que ça marche ou pas

J’ai un exemple qui me plait beaucoup : ce sont ces buffets à volonté où tu vois des quantités énormes de nourriture présentées sur des plats et, sur les tables, il y a des choses un peu grignotées et abandonnées sans état d’âme, pour être remplacées par d’autres et on réalise que personne ne va pouvoir manger toute cette nourriture mais que si quelqu’un s’y risque, cela va finir en une indigestion gigantesque. Pourtant la bouffe est là, disponible. Elle nous donne la sensation que nous ne pouvons pas faire autre chose que la consommer. Il y a même cette idée que cela est une liberté, ce qui est un non-sens, parce que si nous ne pouvons pas éviter de vouloir manger, où est la liberté ?

Bref, avec les amours et le polyamour, c’est la même chose : on démarre au quart de tour parce que tout à coup, tout semble possible : waouh ! Et alors, il faut tout consommer, tout, tout, tout. Parce que cela devient possible et qu’on ne sait pas quoi faire de cette possibilité.

Ce qui n’est jamais précisé, c’est qu’il est également possible de ne pas le faire. Et même, ce dont on est en train de prendre conscience, c’est que cette fièvre de consommation est monogame, elle n’est pas polyamoureuse.

Pourquoi ? Parce que la monogamie nous a appris que, quand nous sommes en couple, si quelqu’un.e nous plait, il faut être avec cette personne, parce que le désir doit se concrétiser en quelque chose et que l’amour qui n’est pas réciproque n’est pas une joie, mais un malheur. Et là, vous réalisez : penser qu’aimer quelqu’un.e puisse être un malheur c’est un malheur en soi !

En monogamie, le désir est le début de quelque chose, ce n’est jamais quelque chose en soi. Et j’ajoute ici que la culture du viol a un pied dans la place.

Donc, si avec le polyamour, nous ne revoyons pas avec précaution nos bases monogames, nous continuons dans le même schéma : quelqu’un nous plait, nous allons vers cette personne, que ça soit le bon moment ou pas, que ce soit une histoire qui tienne la route ou pas, etc. Et on y va : la majorité des histoires polyamoureuses finissent par être cela, des monogamies consécutives qui s’entrecroisent pendant un certain temps jusqu’à ce que quelqu’un se barre.

Et si le désir était quelque chose de beau en soi ? Et s’il n’était pas nécessaire de faire toute une histoire chaque fois que nous éprouvons du désir ? Et si cela pouvait être plus simple et que nous pouvions dire à quelqu’un.e « je te désire » et que l’autre personne pouvait nous répondre « oh, c’est beau » et rien de plus, sans que le désir soit une proposition, ni une attente, ni rien de plus que du désir ? Imaginez-vous un monde ainsi ? Eh bien, c’est le monde polyamoureux que certaines d’entre nous imaginent. Nous sommes peu nombreuses, mais nous existons.

Et oui, comme tu le dis si bien, moi aussi je suis fatiguée. Je suis fatiguée d’être un terrain d’expérimentation, de mettre mon corps au service de l’auto-apprentissage du polyamour et de finir toute cabossée dans le caniveau et brisée à tout bout de champ.

Alors je demande aussi de la lenteur. Je réclame de réfléchir, je réclame de prendre soin et je suis en train d’apprendre, t’imagines, à 44 ans, à poser des limites qui me font du bien.

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[1] Dans les lignes qui suivent Brigitte parle d’un article de la psychiatre Ibone Olza, sur un psychiatre espagnol, qui, 10 ans après avoir commis un féminicide, exerce aujourd’hui en libéral. Je ne les ai pas traduites, car elles se situent hors contexte francophone, mais il m’a paru important de signaler le fait.

Le polyamour, Le nouveau miracle au pouvoir dégraissant – Brigitte Vasallo

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Depuis l’an dernier, Brigitte Vasallo a une rubrique hebdomadaire dans un magazine espagnol de psychologie positive, Mente Sana.

Ces derniers temps, elle a écrit sur la dépression et sur le fait que, bien que polyamoureuse, elle est jalouse.

Il m’a paru intéressant de traduire son dernier article car, avec humour, elle mentionne un fait essentiel : le polyamour n’est pas un produit miracle, ce n’est pas la porte ouverte à tous les possibles, ce n’est pas juste la possibilité d’aimer ou d’avoir des relations sexuelles et affectives avec plusieurs personnes et de s’organiser grâce à un agenda électronique. C’est bien pour cela que ça ne fonctionne pas pour beaucoup, que ça génère des dégâts psychologiques ainsi que des maltraitances.

https://www.cuerpomente.com/blogs/brigitte-vasallo/poliamor-no-funciona_1490

Traduction : Elisende Coladan

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Chères amies,

J’allais commencer l’année en écrivant une série d’articles sur la dépression, mais mes cheffes m’ont dit que ça commençait à bien faire avec la tristesse et qu’il serait bon que j’écrive quelque chose de plus marrant maintenant.

Alors, je leur ai proposé d’écrire sur le polyamour.

Et elles m’ont dit oui.

Et cela m’a amusée que quelqu’une puisse penser que le polyamour soit un thème plus amusant que la dépression.

J’ai pensé en moi-même : seule une personne monogame peut avoir cette idée. Mais je n’ai rien dit et j’ai commencé à écrire.

Le polyamour, ça ne fonctionne pas ! (et ça ne devrait pas fonctionner)

Il y a quelques semaines, je vous ai dit que si je recevais un euro chaque fois que quelqu’un me disait « voyons, voyons, tu causes beaucoup de polyamour, mais à la fin, tu es jalouse comme tout le monde », je serais actuellement dans un paradis fiscal, en train de savourer un daiquiri et de vivre une vie de folie, mais en positif (car la vie de folie, en négatif, c’est mon truc avec la dépression, mais comme je ne peux pas vous en parler, etc…)

Je suis polyamoureuse et je suis jalouse.

Bon, allons droit au but : si à cet euro j’ajoutais un autre euro chaque fois que j’ai entendu dire que « le polyamour, ça ne fonctionne pas », je serais actuellement la Bill Gates du polyamour et je me consacrerais à la philanthropie. Je donnerais des millions d’euros pour cloner MaThérapeute© pour qu’elle puisse nous recevoir toutes et nous transformer en personnes avisées, très avisées.

Vous dites que le polyamour, ça ne marche pas. Ben oui, évidemment, que ça ne fonctionne pas. D’ailleurs, cette phrase est à la base du fait que ça ne fonctionne pas. Parce que cette manière de penser l’amour est en elle-même monogame, mais je vous parlerai de cela un autre jour.

Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur le fait que le polyamour, mes chéries, n’est pas une machine distributrice de sodas ou un ascenseur. Le polyamour n’est pas un truc auquel il est possible de faire « reset », ou de donner des petits coups, de ceux qui font que quelque chose remarche alors que c’était en panne.

Le polyamour ne fonctionne pas : il faut le faire fonctionner. Et c’est là que tout est foutu d’avance.

Le polyamour, le nouveau miracle au pouvoir dégraissant

Il y a eu un moment, dans nos vies, où nous avons cru que le polyamour c’était comme dire « abracadabra ». On claque des doigts et le voilà. Fini les mauvais trips, plus de jalousie, plus de peurs, parce que toi, ma compagne, tu as trouvé le po-ly-a-mour, le nouveau produit miracle au pouvoir dégraissant.

Donc, tu y vas à fond dans le miracle et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, tu as le cœur blessé ou tu blesses celui des autres et tu dis partout que « ça ne fonctionne pas ». Tu te mets même à écrire des articles : j’en ai lu quelques-unes qui déversent une quantité incroyable de rage monogame parce que ce truc ne fonctionne pas.

Vous imaginez quelqu’une en train d’écrire des articles sur « le féminisme ne fonctionne pas » parce que pour elle ça n’a pas marché ? Ben, c’est exactement ce que nous faisons avec le polyamour. Au lieu de nous mettre à réfléchir pour trouver ce que nous avons raté et comment fonctionne cette histoire de structures [1], nous disons que c’est la faute du polyamour, comme si c’était un monsieur assis quelque part ou comme si c’était un dieu, ce qui est très confortable pour rejeter la faute sur quelqu’un.

Le fait est que le polyamour n’est pas une formule magique, ce n’est pas quelque chose qui existe : c’est une proposition, un horizon, un imaginaire à construire. Dire que tu commences une relation polyamoureuse, c’est prendre l’engagement d’en créer les conditions qui feront que la multiplicité amoureuse sera possible sans que personne ne meure pendant l’essai.

J’aime comment le philosophe Emmanuel Levinas imaginait la liberté. Il disait plus ou moins que la liberté, c’est se créer les conditions d’être libre.

Il en va de même avec le polyamour : c’est créer les conditions pour être polyamoureuse. C’est générer un espace relationnel pour pouvoir l’être.

Le polyamour, tout comme la liberté, ce n’est pas une idée, mais une mise en pratique. Et si la mise en pratique polyamoureuse ne fonctionne pas, il faut changer de pratique, sans plus, et arrêter de rejeter la faute sur l’illusion de nos incapacités amoureuses.

Pour finir, je vous laisse cette idée en passant : le polyamour n’est pas obligatoire. Si réellement, ça ne fonctionne pas avec vous, keep calm et passez à autre chose, car nous souffrons déjà suffisamment comme ça sans avoir à nous compliquer la vie encore plus avec ça.

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[1] Je vous invite à lire, à ce sujet, l’article de Coral Herrera Gomez : Ce n’est pas toi, c’est la structure : déconstruction de la polyamorie féministe.

Les dangers du polyamour et les « féminimacs » – Paula Huma González

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Ilustration: Lumi Mae – https://reginanavarro.blogosfera.uol.com.br/2016/08/06/da-monogamia-ao-poliamor/?cmpid=copiaecola

Pikara Magazine est une revue digitale féministe espagnole. Cet article vient de  la section de publication libre de Pikara, dont l’objectif, comme son nom indique, est de promouvoir la participation des lectrices et des lecteurs. 

https://www.pikaramagazine.com/2017/03/los-peligros-del-poliamor-y-los-femichulos/  

Traduction elisende Coladan

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Il arrive, très souvent, qu’on retrouve énormément d’attitudes  machistes dans des espaces féministes mixtes, dans lesquels les femmes devraient se sentir plus à l’aise et tranquilles qu’ailleurs. Quand le polyamour, dans ce même espace féministe, rencontre le machisme, cela très mal finir. C’est en grande partie parce que nous ne voyons pas venir les féminimacs (nom donné, en Espagne, à un homme qui se dit féministe, mais derrière qui se cache un machiste) et qu’ils se permettent des comportements (dans un réseau affectif polyamoureux, régit par leurs privilèges) que nous qualifierions immédiatement de machistes dans une ambiance non féministe. Combien de fois ne nous sommes-nous pas trouvées embarquées [1] dans un réseau affectif polyamoureux dans lequel, comme par hasard, il y a un homme central autour duquel circulent des femmes ? Une relation polyamoureuse peut très bien se passer si tant est que chacun prenne soin des autres, qu’il y ait une bonne communication entre tout le monde et que la relation de pouvoir soit horizontale [2].

Au sujet de la communication, bien plus de facteurs entrent en jeu dans une relation polyamoureuse que dans une relation monogame. Parmi eux, deux éléments très importants : il n’existe pas de références culturelles pour les relations polyamoureuses, et ce type de relation peut faire naître un bien plus grand nombre d’insécurités qu’une relation à deux. Ici, je vais particulièrement m’arrêter sur ce premier point. En effet, souvent, nous partons de zéro dans la construction de ces réseaux affectifs. Nous avons juste quelques livres, des articles ou des expériences racontées par un certain nombre de personnes. De plus, comme il s’agit de relations hors normes, il y a une terrible méconnaissance de la façon dont il est possible de créer des relations saines dans la configuration polyamoureuse. La meilleure manière de résoudre ce souci est d’avoir une très bonne communication entre tout le monde et cela ne signifie pas, à mon sens, d’uniquement exprimer ses insécurités, sensations et impressions. Je pense qu’il est également très important de communiquer à l’autre quelles sont nos intentions pour la relation. C’est ainsi que je souhaite reprendre l’idée de Thomas A. Mappes sur le consentement volontaire et informé [3]. Il part de l’idée qu’un échange fluide d’informations est nécessaire pour ne pas utiliser une personne sexuellement. C’est ainsi que, dans les relations polyamoureuses, afin de ne pas tomber dans une utilisation sexuelle des autres personnes, il est nécessaire de communiquer ses intentions, qu’il s’agisse d’une relation sexuelle occasionnelle ou d’une relation sexo-affective prolongée.

Le thème du « prendre soin » [4] est intimement lié à celui de la communication, car communiquer c’est également prendre soin. Chaque personne est différente, et si nous en tenons compte au moment d’établir des relations polyamoureuses, nous aurons aussi à l’assimiler en prenant soin de ces relations. Les personnes avec qui nous établissons des liens sont différentes de nous et différentes entres elles, ce qui fait que chacune aura besoin que l’on prenne soin d’elle de manière différente. La communication est indispensable, afin de connaître leurs attentes dans la relation, de savoir de quelle manière elles souhaitent que l’on prenne soin d’elles, comment elles se sentent, comment sont leurs rythmes, ce qu’elles aiment ou pas, comment elles pensent s’investir dans la relation, etc. Il est également nécessaire d’expliquer ce dont on a soi-même besoin, nos impressions, ce que l’on peut apporter ou pas, ce que nous aimons ou pas. Je comprends aisément que cela ne soit pas facile, d’autant plus que l’on nous a toujours dit que les sentiments sont quelque chose d’intime et de privé qu’il faut garder pour soi. Même ainsi, c’est vraiment quelque chose qu’il est nécessaire de travailler afin de nous déconstruire et la meilleure manière d’y arriver, c’est avec un entourage sûr, avec des personnes qui nous transmettent précisément cela : un sentiment de sécurité.

Finalement, en ce qui concerne l’horizontalité, je voudrais apporter ma note personnelle avec une citation du livre L’insoutenable légèreté de l’être, dans lequel Tereza (une des protagonistes) raconte à Tomas (avec qui elle a une relation ouverte), qu’elle a fait de lui. Ce rêve pourrait décrire parfaitement ce qui m’est venu à l’esprit alors que je vivais une relation polyamoureuse très mal gérée, dans laquelle l’homme se trouvait au centre et décidait de la destinée de chacune des femmes. Et c’est dans ce genre de configuration que peut surgir la grande majorité des problèmes :

« C’était une grande piscine couverte. On était une vingtaine. Rien que des femmes. On était toutes complètement nues et on devait marcher au pas autour du bassin. Il y avait un grand panier suspendu sous le plafond, et dedans il y avait un type. Il portait un chapeau à larges bords qui dissimulait son visage, mais je savais que c’était toi. Tu nous donnais des ordres. Tu criais. Il fallait qu’on chante en défilant et qu’on fléchisse les genoux. Quand une femme ratait sa flexion, tu lui tirais dessus avec un revolver et elle tombait morte dans le bassin. À ce moment-là, toutes les autres éclataient de rire et elles se mettaient à chanter encore plus fort. Et toi, tu ne nous quittais pas des yeux, et si l’une d’entre nous faisait un mouvement de travers tu l’abattais. Le bassin était plein de cadavres qui flottaient au ras de l’eau. Et moi, je savais que je n’avais plus la force de faire ma prochaine flexion et que tu allais me tuer ! » [5]

Comme nous l’avons vu ci-dessus, la communication, le « prendre soin » et l’horizontalité sont les trois piliers du polyamour et ils doivent concomitants. Quand je parle d’horizontalité, je fais référence au fait que les différentes personnes faisant partie de la relation doivent être dans la même situation et il ne peut pas y avoir une asymétrie de soins ou d’informations. Peut-être que c’est l’aspect le plus compliqué, car il implique le besoin de se retrouver dans une situation équilibrée par rapport au reste des personnes inclues dans le réseau affectif polyamoureux, mais il est vraiment nécessaire.

Pour arriver à cette horizontalité, nous devons prendre en compte un certain nombre de choses. Pour commencer, le patriarcat. Cela nous échappe parfois : le polyamour doit absolument inclure une perspective de genre. Nous ne pouvons pas penser que, dans une relation polyamoureuse, les hommes et les femmes sont au même niveau. Les hommes hétérosexuels ont toute une série d’attitudes et de comportements machistes bien ancrés et, même s’ils faisaient un grand travail de déconstruction, il leur serait bien difficile de changer. C’est ainsi que, dans un réseau affectif polyamoureux, il est très facile que l’homme, avec ses privilèges, se retrouve au centre et choisisse avec qui il couche et avec qui non, pendant que les femmes adoptent une attitude soumise et passive. Que se passe-t-il, alors, aves les « féminimacs » ? Ça peut être plus compliqué à repérer parce qu’ils sont souvent très subtils, qu’en ce qui concerne le polyamour, ils vont faire le célèbre « mansplaining [6] », « en prenant les rênes de la relation » avec l’excuse que c’est eux qui savent et agissant ainsi de manière paternaliste et privilégiée.

L’autre problème, c’est que les femmes ont également, comme les hommes, intériorisé certains comportements machistes. On nous a enseigné, depuis toujours, des attitudes comme la soumission à l’homme, ou la culpabilité… Et ceci joue vraiment beaucoup en notre défaveur, car bien des problèmes dans ce type de relations viennent de la jalousie et, si ces problèmes ne sont pas bien gérés, il n’y a plus d’horizontalité.

Il faut faire attention avec les situations comme celle dont je viens de parler, où l’homme est au centre d’un axe central autour duquel gravite le reste des femmes. Car il peut manipuler les femmes de manière consciente ou inconsciente, et c’est ainsi que la femme finira par se sentir coupable d’être jalouse des autres femmes, quand en réalité cette jalousie est probablement le fruit d’un manque de communication et d’une accumulation d’insécurités provoquées par l’homme lui-même.

Un autre aspect à prendre en compte, c’est celui des liens émotionnels et c’est bien la part qui m’est la plus douloureuse. Nous devons être très prudentes et ne pas nous relâcher quand nous souhaitons avoir des relations sexo-affectives avec un homme. Nous ne devons, à aucun moment, enlever nos « lunettes violettes », celles que nous mettons lorsque nous apprenons ce qu’est le féminisme, parce que lorsque nous sommes en relation avec quel que soit l’homme, il va reproduire des comportements machistes, même implicites. Le fait d’avoir un lien émotionnel, dans le cas d’une relation sexo-affective, peut faire que nous nous voilons la face et que nous n’arriverons pas à voir ces attitudes machistes.

Pour finir, il n’y pas de formule pour éviter qu’un réseau affectif polyamoureux ne se transforme en quelque chose de nocif et toxique mais, tout au moins, nous pouvons savoir d’où viennent les dangers que nous pouvons rencontrer, afin d’essayer de les éviter. De plus, il est indispensable de ne pas oublier la position de privilège qu’ont les hommes hétérosexuels, pour envisager d’élaborer, comme je l’ai dit auparavant, une bonne pratique du polyamour avec une perspective féministe.

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[1] Comme il est d’usage dans les milieux non monogames féministes en Espagne, l’autrice de cet article utilise le féminin de manière générique, c’est-à-dire qu’il s’adresse à tout le monde.

[2] Non hiérarchique (NTD)

[3] Thomas A. Mappes et J.S. Zembaty (eds.), Social Ethics. Morality and Social policy, N.Y., McGraw-Hill, 1987.

[4] Pour la notion de « prendre soin », ou « cuidados » en espagnol, ou « care » en anglais, voir le paragraphe « Prendre soin et le sens de cette expression » dans l’article de Natàlia Wuwei : « Après avoir rompu avec la monogamie » https://nonmonogamie.wordpress.com/2017/02/21/apres-avoir-rompu-avec-la-monogamie-natalia-wuwei/

[5] Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, Gallimard, 1984.

[6] Le « mansplaining » désigne la situation où un homme (en anglais « man ») se croit en devoir d’expliquer (en anglais « explain ») à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, généralement de façon paternaliste ou condescendante. Wikipedia

Un homme polyamoureux avec conviction et éthique : ce serait comment? Diana Marina Neri Arriaga

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lustration de Nuria Frago pour Pikara Magazine

L’article est paru sur le blog totamor, au mois de décembre 2016. J’ai tout de suite demandé l’accord de l’autrice pour le traduire et elle l’a donné rapidement. J’aurais vraiment aimé pouvoir le faire avant, mais toute traduction et écriture d’articles est réalisée sur mon temps libre et, ces derniers mois, puisque j’ai suivi une formation en thérapie féministe à Barcelone (un week-end par mois, pendant 3 mois), les jours et les semaines ont filé à toute vitesse. 

Ma lecture de cet article est qu’il ne s’agit pas d’une injonction à devenir le MPP (Mec Polyamoureux Parfait — clin d’œil à la PPP, Personne Polyamoureuse Parfaite), mais bien d’une invitation à s’interroger sur ce que cela signifie d’entrer en relation avec une femme non monogame (polyamoureuse) et féministe. Qu’il ne s’agit pas de juste « d’ouvrir son couple », de « se dire féministe et polyamoureux », mais de réellement se poser toute une série de questions et d’envisager les relations autrement qu’à travers le prisme patriarcal. [NDT]

http://totamor.blogspot.com/2016/12/como-seria-un-varon-poliamoroso-con.html

Traduction : Elisende Coladan

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Récemment, je partageais sur Facebook, avec des copines très sympas, la conversation que j’ai eue avec un attachant compagnon de vie. Nous étions arrivées, une fois encore, à la conclusion non précipitée, mais probablement avec un préjugé, qu’il était quasiment impossible de connaître un homme polyamoureux en ce qui concerne la conviction et l’éthique. Car cela implique, avant tout, de renoncer aux privilèges patriarcaux, qui peuvent même augmenter avec une vie polyamoureuse.

Quand je lis comment se présentent les hommes dans un groupe « poly » sur Facebook, je lis le même discours réchauffé sur leur style de vie, les envies d’ouvrir leur monde, de ne plus mentir, de connaître des filles et/ou des couples et ainsi de suite… Je ne veux pas dire que c’est bien ou mal, mais je ne vois pas d’hommes qui essaient, au minimum, de se poser la question de l’hégémonie de leur masculinité, qui s’interrogent sur les relations de pouvoir et tout ce que cela signifie. Qui se demandent ce qu’est réellement l’amour, ce que ça veut dire être en couple et bien d’autres questions… Par contre, (ah, ça oui !), j’en vois beaucoup qui essaient de draguer avec leurs likes ou qui écrivent des commentaires qui montrent combien ils ignorent tout du féminisme.

Cela fait plus de dix ans que je vis la proposition politique du polyamour et que j’y réfléchis (que j’envisage aujourd’hui plutôt comme un « contre-amour » [1]). Je peux compter sur les doigts d’une main ceux qui travaillent à détruire les leurres de la virilité et font leur boulot de déconstruction patriarcale, ceux qu’on peut vraiment considérer comme des alliés

Face à cette constatation, une copine me demandait, avec acuité : un homme [2] polyamoureux avec conviction et éthique, ce serait comment ?

Voici ma réponse que je partage aujourd’hui publiquement :

Pour commencer, c’est plutôt complexe d’avoir à établir un « profil » d’homme polyamoureux avec conviction et éthique. D’abord, parce que je ne suis pas un homme et comme je n’ai pas leur corps, et que je n’ai été élevée en tant qu’homme, je ne peux pas me mettre dans leur peau. Cependant, ce que je peux me permettre, c’est de parler du type d’homme avec lequel j’aimerais pouvoir avoir une relation affective en tant que femme féministe.

[Je ne sais pas trop comment nommer les masculins. Le mot « homme » ne me plait pas. […] Personnellement, en général, je ne fais pas référence aux masculins, au quotidien, je choisis de leur demander comment ils souhaitent être appelés et, au-delà des pronoms, j’apprécie de les connaitre en tant que Manuel, Carlos ou Ramón, par exemple.] Une personne considérée socialement comme masculine (de manière indépendante de ses organes génitaux).

Je suis intéressée par celui qui désobéit et encore plus si cette désobéissance est en relation avec son propre genre, c’est-à-dire s’il s’en fout pas mal si on l’appelle « gay », « putain », « homo », s’il n’est pas « intéressé » par l’idée d’avoir à « sauver » sa masculinité, mais s’il interroge de manière précise tous les imaginaires sociaux qui accompagnent l’étiquette « homme », « masculin », « mec » et connexes. S’il ne fait que les assumer sans se poser de questions, avec tout l’imaginaire associé au patriarcat que cela comporte, alors, il nous sera impossible de faire équipe et d’avancer ensemble. Qu’il renonce à se voir comme un chevalier, comme un prince charmant ou comme n’importe quelle image du même acabit, qu’il renonce à toutes les catégories de genre qui le nomment avec une vision androcentrique, qu’il se cherche et qu’il cherche, et qu’il ne reste, jamais, dans une zone de confort.

Qu’il reconnaisse qu’il a été éduqué avec des privilèges qui l’ont mis au centre de la pensée et que, par conséquent, il fasse un travail exhaustif pour questionner tout ce qu’on lui a présenté comme étant normal, naturel et nécessaire. Qu’il ne lutte pas pour avoir le beau rôle, qu’il soit plus à l’écoute, qu’il parle sans en imposer, sans enseigner, sans s’approprier la parole, mais en la partageant. Qu’il cesse catégoriquement d’être le complice des autres hommes, avec leurs blagues, leurs commentaires ou leurs bruits de couloir, qu’il établisse son propre positionnement, même si cela implique de ne plus être d’accord avec sa famille ou ses potes machistes (si tu es de ceux qui « par jeu » acceptent les blagues sur « les filles », « les putes », « les salopes » et d’autres terribles clichés sexistes, pars, éloigne-toi immédiatement).

Qu’il questionne l’exercice du pouvoir qui lui a était enseigné à partir de l’hétérosexualité (ici entendue comme régime politique) non seulement en tant qu’exercice de rencontre érotique et affective mais aussi comme un entrelacs social et idéologique. Qu’il ose explorer son corps. Par exemple, avant de demander à avoir du sexe anal, qu’il partage d’abord son cul (quel délice de jouer avec un « strap-on ») et qu’il en comprenne le plaisir, qu’il ose explorer ses sensations et qu’il sache tisser une connivence érotique pour vivre des moments partagés, en se posant la question du désir colonisé (s’il a des soucis avec les poils aux aisselles, les chairs abondantes ou s’il n’arrête pas de parler d’un « corps de rêve », alors ouste : je ne veux rien avoir à faire avec lui).

Qu’il lutte contre ses peurs, ses colères, ses insécurités, qui se traduisent en démonstrations de contrôle (parfois de manière subtile, d’autres contendants, mais toujours violents, toujours cette violence), où il demande des certitudes, établit des « hommenismes » de vigilance contre sa « partenaire » au « nom de l’amour », qu’il jalouse, conquière et séduit. Qu’il se rendre compte des dialectiques du maître et de l’esclave (selon Hegel) qui entrent en jeu dans les relations actuelles et qu’il en questionne la provenance. Qu’il ne « vende » pas et ne me « vende » pas du rêve et remette tout à un hasard métaphysique. Si un homme utilise dans son champ lexical les termes « conquérir », « séduire », « je l’ai prise », « je l’ai draguée », « elle m’a envoyé dans la « friendzone » » etc, sans se poser la question de leurs implications idéologiques, il est temps de dire adieu et rapidement.

Qu’il lise, lise beaucoup, non pas afin d’arriver à être un « mec progressiste de type intellectueloïde », mais qu’il s’autorise à bien placer historiquement les différents discours qui soutiennent la pensée amoureuse. Qu’il comprenne le discours sur le pouvoir de « l’amour », sur les débuts du mariage, les implications de la monogamie et le couple, les complexités de la famille nucléaire. S’il commence par dire qu’il recherche « sa moitié », qu’il se sent seul ou qu’il aimerait se sentir complet, je pars en courant. Je suis intéressée par un compagnon avec qui partager tous nos manques, nos doutes et nos incertitudes. Je ne souhaite pas qu’on me donne, ni je ne souhaite donner de la stabilité, mais je veux de la réflexion partagée. Je ne veux pas d’homme féministe (ils ne peuvent pas l’être) mais d’un allié.

Qu’avant de nous donner « des titres nobiliaires de possession » et de les défendre devant le monde entier : « ma copine », « ma fiancée », « ma femme », « ma », « ma », « ma »… nous soyons compagnons, amis, complices et par la même notre vie commune sera faite de joie, de fraicheur, de pactes, d’accords à court ou moyen terme. Que nous essayions, que nous cherchions, que nous inaugurions des formes effectives de communication, que nous travaillions ensemble face aux suppositions, contre les vices du « je sais bien de quoi tu parles… » et tout ce qui use les relations. De la créativité, beaucoup de créativité. L’amitié est un exercice politique qui a bien des coins et des recoins à explorer.

Qu’il ait sa propre vie, ses ami.e.s, ses envies, ses actions en tant que personne singulière. Qu’il n’ait pas besoin de moi, qu’il ne m’idéalise pas, qu’il ne me transforme pas en « la femme de ses rêves », qu’il me respecte, qu’il se respecte et construise sa vie pour lui et avec lui. Nous nous accompagnons, nous ne nous possédons pas. Nous sommes des personnes autonomes et libres, et non pas de la glu.

Qu’il détruise ou déconstruise les rôles de genre. Qu’il écarte les jeux de compétitivité, de hiérarchie, du pseudo dilemme émotion/raison. S’il ne voit pas les relations de manière horizontale, je n’entre pas dans sa vie. Décolonisons, s’il-te-plait !

Qu’il soit partant pour établir des accords de communication, d’engagement et d’honnêteté. Non pas d’une honnêteté forcée ou de confessionnal, mais faite d’un bonheur qui se sent et qui se pense. Et oui, cela lui coûtera, très certainement, de lâcher prise. Nous sortons de très nombreuses années, de siècles de « jen’aipasbesoindeparler, jenepartagepasmesémotions », c’est pour cela que sa vulnérabilité, sa mise à nu, doivent être radicales. Un travail conjoint de dé-romantisation de tout ce que nous pensons exact et unique.

Que notre engagement ne soit pas seulement de prendre soin l’un de l’autre, dans le sens de « faire attention à l’autre », mais de prendre également soin de la relation. Ce qui implique que, si l’un des deux a une autre relation, il y ait des accords simples et basiques pour gérer les émotions, les sentiments qui se sont établis. Je ne demande pas de la compersion ou de la compréhension instantanée, je ne demande pas que l’on m’accompagne à mon rythme, mais je souhaite des initiatives pour soulager la douleur (comprendre la culpabilité et la souffrance comme des émotions issues de l’inconscient de la société patriarcale). Je veux et je donne une écoute active, je veux et je donne de la transparence.

À partir de cette perspective, si tu souhaites entrer en polyamour (même si je te suggère de bien faire attention et de ne pas le voir comme une panacée universelle) et tu es né dans un corps d’homme, je te suggère de passer en revue toutes les notions de renoncement, de questionnement et de désobéissance.

Un pari qui est quasiment impossible si tu conserves tous tes privilèges.

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[1] L’autrice utilise cette expression (qu’elle explique dans cet article en espagnol), car elle considère l’amour comme une catégorie politique, culturelle, de genre, classe et ethnie.

[2] J’ai traduit « varón » par « homme ». Mais, en fait, en français, il n’y a pas d’équivalent, car ce mot veut dire, selon les contextes : « homme », « garçon » ou « mâle ». J’aurais pu choisir « mâle », mais je trouve que la traduction en espagnol en est plutôt « macho » que « varón ».

Pensée monogame, terreur polyamoureuse. Brigitte Vasallo

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Photo Pol Galofre

« Le nous groupal fonctionne de manière hiérarchique, excluante et confrontationnelle. » B.V.

Extrait du (futur) livre de Brigitte Vasallo ( Pensée monogame, terreur polyamoureuse), qu’elle a présenté à Aula Oberta, le 14 février dernier, au CCCB (Centre de Culture Contemporaine de Barcelone), dans le cadre du cycle “Saber, hacer, comprender”, organisé par l’Institut d’Humanitats de Barcelone. Publié dans un article de bcnsedesnuda.

« La monogamie n’est pas une pratique, c’est un système d’organisation des relations qui hiérarchise le noyau reproducteur et le protège par des dynamiques d’exclusion et de confrontation. » B.V.

Le regard que pose Brigitte, à la fois sur notre société monogame hétéronormative occidentale et sur le monde de la non-monogamie, m’a toujours paru extrêmement lucide et critique.

Tant que la non-monogamie sera considérée comme la nouvelle manière, à la mode, cool, de vivre les relations, et se développera ainsi, je ne prévois guère de changements dans notre manière de les vivre, si ce n’est que par la multiplication. Si être polyamoureux.euse, c’est juste avoir plusieurs relations, comme je l’ai souvent entendu dire en France et en Belgique, sans réflexion profonde sur la manière dont nous entrons en relation, les mêmes modèles seront reproduits et pire, seront démultipliés, avec toutes leurs formes d’oppression et de maltraitance.

En ce qui me concerne, bien que je sois une femme blanche cis, hétéro et (sur)diplômée, je me sens à la marge de cette société. Je vis dans une relative précarité depuis toujours, au jour le jour, parfois ici, d’autres fois ailleurs, sans emploi, ni pays, ni domicile fixes, sans biens, ni hypothèque, ni future retraite. Sans compagnon.gne de route, mais toujours accompagnée, sauf dans des périodes plus ou moins longues de solitude voulue et vitale. Entourée de toutes formes de (nombreuses) relations affectives, d’autres qui ont été uniquement sexuelles et d’autres encore sexo-affectives. Certaines sur le long et d’autres sur le court terme. Je redéfinis de jour en jour les mots « amour » et « amitié ». Dans ce contexte, être non monogame fait partie de ma manière de vivre, d’une philosophie de vie, hors normes sociales. C’est en cela que je me retrouve complètement dans ce texte. Brigitte m’a dit écrire en pensant à moi. Je veux bien la croire, car elle écrit en pensant aux êtres qui, comme elle, comme moi, n’arrivent pas à entrer dans le moule et ont tellement de mal à se sentir à l’aise dans cette société où, faute de trouver une place, nous vivons en marge. [NDT]

bcnsedesnuda.wordpress.com/2017/02/17/vasallo-el-nosotros-grupal-funciona-de-forma-jerarquica-exclusiva-y-excluyente-y-confrontacional/

Traduction : Elisende Coladan

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« C’est facile de donner une réponse bucolique aux critiques, sur un horizon paisible où le désir circule par des canaux déjà connus ou en disant que tous les corps sont désirables. Mais, par la suite, après, avant et sur ces mots, la vérité s’envole et sur ce plan, concret, les personnes qui ont le plus de succès socialement parlant s’unissent aux personnes qui ont également le plus de succès, beauté sur beauté, glamour sur glamour. L’attraction, le capital érotique, est contextuel. Nous pouvons changer les formes, les mèches blondes, les haut-talons par des chaussures cloutées, finalement c’est toujours le même modèle qui s’impose partout.

Quand le polyamour ou les autres types de relations à visée non monogame oublient de questionner la base même des désirs et la base même de la monogamie, avec leurs points et bonus par conquête sur le schéma pyramidal d’accès aux corps que le marché impose comme désirables pour la majorité, mais accessibles à une minorité ; jusqu’à ce que ces dynamiques soient pas complètement dynamitées, effectivement, le polyamour sera une révolution de pacotille portée par quelques-unes au détriment de celles abandonnées depuis toujours.

C’est ainsi que, lorsque le polyamoureux ou la polyamoureuse qui a réussi vient vous expliquer, satisfait.e, qu’il.elle est en train de vivre plusieurs relations simultanées avec un récit plein d’images de lui.elle-même, de revendications de ses droits, et de leçons de morale sur comment bien vivre ceci ou cela; quand il n’y a aucune trace de frustration, ni de doute, ni d’angoisse, ni de petits morceaux de tripe blessée dans toute sa diatribe, alors prends une tequila ou un thé à la menthe, enfonce-toi patiemment dans ton fauteuil et, calmement, avec un sarcasme non dissimulé, réponds : « Ah, comme c’est intéressant mais, dis-moi, avec combien de personnes ? Raconte-moi, avec combien ? »

C’est pour cela que rompre avec la monogamie n’est pas fait pour les blanches, les minces, les saines d’esprit, les mignonnes et bien foutues mais, justement, pour toutes celles pour qui la monogamie est encore plus un mensonge que pour les autres. Il est nécessaire de la casser pour de bon, de ne pas y substituer des monogamies simultanées camouflées sous d’autres noms. De rompre avec tous les mécanismes, de lui cracher à la figure, de devenir intransmissibles, non reproductrices, devenir intolérables.

Rompre avec la monogamie n’est pas pour celles qui s’en vont avec la première personne disponible, ni pour les personnes normales, ni pour les personnes cool des salons, ni pour les cool des afters, ni pour les cool des squats. C’est la rupture des fracassées, des losers, de celles qui évitent les franges de n’importe quelle frange, pour celles qui ne trouvons jamais de partenaire pour construire un nid douillet parce qu’il n’existe pas un nid où être contenue ni qui puisse nous contenir, c’est pour la gamine abandonnée à trois mois de grossesse, pour les lesbiennes du village, pour celles qui ont dépassé la quarantaine, pour les séropositives, pour la tapette de l’école, pour l’homme trans qui ne souhaite pas faire le coq ou se faire une mastectomie, pour la barbue sans passing, pour les rejetées par les leurs, par leur clan, pour celles qui ne s’adaptent pas à leur race, ni à leur origine, ni à leur environnement, ni à leur patrie, pour celles qui n’ont pas de foyer où rentrer, ni de mère vers qui retourner, ni une famille avec qui passer les fêtes et ensuite le publier sur les réseaux sociaux, pour toutes celles qui ne savent pas quoi faire de leur corps ni de leurs vies, parce que nous savons ce que cela veut dire être seules et ce que veut vraiment dire avoir été abandonnées, pour les immunes aux capitaux érotiques parce qu’elles n’y ont jamais fait d’investissements.

C’est uniquement à partir de là, de la blessure, que nous pouvons construire autre chose. Les outils du maître ne démonteront pas la maison du maître[1]. Nous, nous avons d’autres outils, parce que nous sommes faites d’une autre matière, à force d’en prendre plein la gueule. Nous n’avons qu’à rompre une bonne fois pour toutes avec le rêve, faire un dernier pas, défaire une dernière amarre, fuir les influences des centres du désir, sortir de la marge pour éviter un au-delà, trouver nos semblables, les regarder bien en face, les appeler et nous mettre, une bonne fois pour toutes, à construire autre chose.

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[1]Phrase prononcée par Audre Lorde lors d’une conférence organisée à New York en 1979, autour du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. [NdT]

Après avoir rompu avec la monogamie. Natàlia Wuwei

16650767_10154773942231265_1037840566_ocreada per/por – Créé par Babs Pangolynx

J’ai connu Natàlia, qui a écrit cet article, il y a un peu plus d’un an, lors des premières Journées d’Amors Plurals, à Barcelone.  J’ai été impressionnée par sa pensée. J’attendais avec hâte que cet article, suite à sa présentation lors des 2es Journées d’Amors Plurals, soit publié.

Il s’agit ici d’une réflexion extrêmement intéressante et importante sur comment les relations non-monogames sont traversées par des éléments propres aux relations monogames. [NDT]

después de romper con la monogamia

Traduction : Elisende Coladan 

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« Cet article est un résumé (très résumé) d’une présentation que j’ai fait pendant les II Journées d’Amors Plurals et qui a été publiée dans le N°422 du journal La Directa.

(**) J’ai rajouté à la fin une clarification suite à certains commentaires qui ont été faits au moment de la publication de l’article.

La version non résumée (in extenso) de cette présentation, divisée en plusieurs parties, sera publiée plus tard sur mon blog.

Nous vivons nos relations d’une manière qui fait partie d’un système ou d’une structure de pouvoir clairement liés au schéma monogame.  La monogamie n’est pas seulement un nombre de relations, c’est également un système, avec une forme de pensée qui s’est construite dans une logique sociale. Et cela va plus loin que la normativité autour des relations de couple, car elle nous indique aussi comment nous devons entrer en relation, de manière générale, avec les autres : il s’agit d’un système relationnel.

La monogamie nous isole en unités familiales qui ne permettent pas de générer des réseaux solidaires, affectifs et sensibles aux structures qui nous traversent. La non-monogamie a un grand potentiel, non seulement pour rompre avec le système relationnel lui-même, mais également avec d’autres structures de pouvoir qui s’alimentent de la structure monogame. Elle permet de construire des relations qui rompent avec les systèmes d’oppressions et de privilèges. Cependant, il est nécessaire d’avoir un point de vue critique envers les différentes propositions envisagées, autrement il n’y aura qu’une simple reproduction d’une même pensée démultipliée.

Individualisme, domination et objectivation

Notre manière occidentale d’appréhender le monde se base en l’idée que nous sommes des individus extérieurs au monde qui nous entoure (comme si nous ne faisions pas partie de notre environnement) et nous accédons à notre entourage par la domination. Cette vision encourage la création de structures de pouvoir, qui permettent à qui domine d’obtenir ce dont il a besoin, sans même avoir à comprendre qu’il.elle les obtient autour de lui : ses besoins sont couverts de forme systématique grâce aux structures existantes. C’est ainsi que s’installent des privilèges pour ces personnes, appartenant à des groupes dominants, qui leur donnent un faux sentiment d’indépendance.

Dans nos environnements non-monogames, nous essayons fréquemment de rompre avec l’idée de la totale dépendance à une seule personne (ce qui vient de la monogamie et provoque des relations de pouvoir). Nous exprimons le fait que nous sommes indépendants et que nous n’avons besoin de personne d’autre que nous-mêmes. De cette manière, la dépendance est stigmatisée, elle est invisibilisée dans l’environnement de personnes avec des privilèges et il se crée un discours sur la non-monogamie à laquelle seulement peuvent accéder des personnes avec encore plus de privilèges.

Nous traitons notre environnement comme un objet, parce que nous le voyons comme une chose externe à nous même, à laquelle nous accédons pour couvrir nos propres besoins. Les personnes avec qui nous sommes en relation forment également partie de cet environnement-objet. Nous les approchons donc en fonction de nos propres besoin et envies, sans tenir compte des leurs. Il s’agit alors d’un processus « d’objectivisation ». En quelques mots, « objectiviser » c’est traiter les personnes comme si elles n’avaient pas de volonté ou d’envies propres, ou bien sans leur laisser un espace pour qu’elles puissent consentir ou s’opposer à quelque chose, ni à exprimer leur émotions ou opinions par rapport à des éléments qui les affectent. Cette situation est très fréquente dans les relations non-monogames hiérarchiques où, souvent, des personnes sont affectées par des décisions qui sont prises dans les relations primaires, sur lesquelles elles ne peuvent pas donner leur avis, ou exprimer leurs propres sentiments ou proposer des alternatives. Parfois, elles ne sont même pas informées du tout des décisions qui ont été prises. En définitive, « objectiviser » c’est ne pas prendre en compte l’autre, lui enlever la possibilité de s’exprimer.

Engagement et implication

La monogamie a une très forte charge d’engagement implicite et d’attentes qui sont en accord avec l’escalator des relations[1] . Il s’agit d’un engagement qui n’a pas été discuté, pacté ou revu par aucune des deux parties. De plus, souvent il implique le fait de ne pas pouvoir partager des engagements, des projets ou de l’affection avec d’autres personnes. C’est toujours à une seule personne d’avoir à couvrir les besoins de l’autre.

Beaucoup, face à cela, proposent comme alternative le fait de ne pas prendre d’engagements ni d’avoir attentes. Cela donne un avantage aux personnes qui ont plus d’un privilège, puisque leurs besoins sont pour la plupart couverts et elles n’ont pas besoin de l’engagement pour obtenir quoi que ce soit. D’autre part, les personnes avec moins de privilèges seraient, dans la majorité des situations, amenées à vivre des situations de vulnérabilité. Car elles ont besoin d’engagement pour pouvoir accéder à ce à quoi elles n’ont pas le droit sans privilèges.

Ne pas vouloir s’impliquer est une forme de ne pas vouloir accepter le fait de combien nous sommes affectés par notre environnement et comment nous l’affectons, sans même nous en rendre compte. Il est nécessaire de réellement s’impliquer pour construire des relations non « objectivistes », où les personnes peuvent avoir la possibilité de donner leur avis sur ce qui les affecte. Les relations doivent se construire par des engagements et des implications explicites, qui ne sont pas dictés par des normes sociales structurelles. Et n’empêchent pas la création d’autres engagements.

Responsabilité partagée

La monogamie fait croire qu’une personne est totalement responsable de notre bonheur ou de notre malheur. Pour rompre avec cette idée qui engendre des relations de pouvoir, il est habituel de dire que chaque personne est responsable de ses émotions, y compris celles qui sont produites par une relation et ceux.celles qui la vivent. Il s’agit d’une vision individualiste, guère différente de l’antérieure, où les responsabilités sont soit complètement séparées soit elles retombent sur les épaules d’une seule personne. Dans ce paradigme la relation est complètement effacée.

La responsabilité dans une relation devrait être une responsabilité partagée : ce devrait être le fait des personnes qui sont à l’origine de l’espace et de la relation, non pas de façon séparée (chacun de son côté), non pas de manière verticale (tout est la responsabilité d’une seule personne), mais comme une combinaison, en prenant en compte les contextes de chacun.e et ce qu’il y a en commun. Prendre en compte le contexte de chacun.e veut dire que lorsque nous avons une relation avec une personne sur laquelle nous avons un privilège, que nous le voulions ou pas, nous en bénéficions et par conséquent nous avons une responsabilité sur la violence structurelle que peut engendrer cette relation. La responsabilité partagée peut, en plus, nous permettre de reconnaître explicitement tout ce que nous apporte la relation et que l’autre partage avec nous.

Prendre soin et le sens de cette expression :

Être conscients que nous couvrons nos besoins par notre environnement et, par conséquent, à travers nos relations, nous permet de traiter le thème du « prendre soin » à partir d’un point de vue critique. Les tâches du « prendre soin » ou « care »[2] ont toujours été la responsabilité des femmes. Néanmoins les tâches du « prendre soin », dont nous parlons dans le contexte du féminisme, se limitent à celles des différences de genre. Il y a bien plus de besoins que ceux qui concernent les travaux domestiques (le ménage, la cuisine, prendre soin lorsque l’autre est malade). Nous devons être conscient.e.s des différences qui vont au-delà des genres, car il y a bien d’autres structures ou types de relations (toutes les relations ne sont pas du type hétéro, binaire, romantique et sexuelles).

Prendre soin implique comprendre ce dont l’autre a besoin, non pas dans le sens de se sentir obligé.e de couvrir tous ses besoins, mais y être sensible et les prendre en compte. Nous n’avons pas non plus à obliger l’autre à comprendre quels sont nos besoins, mais bien à lui laisser la place pour pouvoir s’exprimer quand il le souhaite et ainsi se rendre compte de ce dont nous avons besoin. Surtout, il n’est pas possible d’obliger l’autre à avoir des besoins qu’il n’a pas. Par le fait même que, dans nos milieux non-monogames, nous insistions sur « le prendre soin », parfois nous pouvons tomber dans l’excès et faire certaines tâches dont l’autre n’a pas besoin pour se sentir que nous prenons soin de lui.d’elle. Souvent, nous nous appuyons sur ces tâches innécessaires comme excuse pour ne pas écouter les besoins réels de l’autre ou ne pas reconnaître un besoin lorsqu’il est exprimé. Nous vivons dans ce que j’appelle « la culture du « tupper »[3] : il s’agit de préparer des « tuppers » pour nos compagnon.e.s sans nous demander ce que nous entendons par « prendre soin » et   pendant ce temps l’autre ne peut s’exprimer lorsqu’il.elle se sent concerné. C’est un acte « d’ojectivisation ».

(**) J’ajoute cette note, suite à certains commentaires, au sujet de cet article, qui signalent que ce que j’ai écrit s’applique également aux relations monogames.

Je ne crois pas que le thème du « prendre soin » puisse vraiment s’appliquer aux relations monogames ou aux non-monogames hiérarchiques[4], car la monogamie implique des hiérarchies, et dans aucune hiérarchie le « prendre soin » peuvent vraiment se produire, ce sont des succédanés du « prendre soin », mais pas des soins. Je suis en train de parler de toutes ces personnes qui ne forment pas partie de la relation principale. Mon discours souhaite mettre en lumière le fait que nous sommes en train de vraiment mal traiter les autres et de forme très « objectiviste », aussi bien au niveau des responsabilités, des engagements que du « prendre soin ». C’est en cela que, ni la monogamie, ni la non-monogamie hiérarchique pourront nous sauver des systèmes d’oppression. Elles ne feront que les reproduire, et qui plus est, avec leurs propres paramètres.

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[1] Il s’agit de l’ensemble des attentes de la société pour la bonne conduite des relations intimes. Ce sont les étapes progressives avec des marqueurs clairement visibles et avec un objectif structurel basé sur une structure monogame permanente (sexuellement et romantique exclusive), avec cohabitation et mariage si possible. La norme sociale dans laquelle la plupart des gens évoluent si une relation est considérée comme importante,, bonne, saine, et vaut la peine d’être envisagée comme durable. Traduction du texte en anglais de https://solopoly.net/2012/11/29/riding-the-relationship-escalator-or-not/  [NTDA]

[2] Carol Gilligan, In a different voice, Harvard University Press 1982, trad française Une voix différente, chez Flammarion 2008. oan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, 2009Fabienne Brugère, L’éthique du « care », collection « Que sais-je ? » PUF, 2011. [NDT]

[3] Tupper(ware)

[4] J’aimerais ajouter, qu’à mon entendement, cela ne s’applique pas non plus aux relations solo non-monogames (une personne qui vit seule – entendre pas en couple ou trouple -) et a des relations non-monogames, quand le fait d’être seule peut être un privilège et s’accompagner d’un réel manque de « prendre soin » des autres relations. C’est-à-dire qu’elle le vit d’une manière hiérarchique, se situant au sommet de cette hiérarchie. Par exemple, considérer que les autres relations ne concernent que la personne qui les vit et donc ne pas communiquer des décisions, des évènements ou des situations (prises/vécues en solo ou avec une/des relations) qui peuvent affecter les autres. Voire garder complètement en silence ce qui se passe dans les autres relations, considérant qu’elles ne concernent que la personne qui les vit et pas les autres personnes pourtant impliquées indirectement. [Note personnelle – NDT- Elisende Coladan]